Shuai-Jiao
Historique
Il y a quelques années le public français découvrait le Kung-fu et le Tai-Chi-Chuan. Une nouvelle discipline fait son apparition dans l’hexagone : il s’agit du Shuai-Jiao, art
des saisies et projections.
Précisons tout de suite que le Shuai-Jiao n’est une nouveauté que pour l’Occident, les Chinois le pratiquant depuis trois millénaires alors que les experts du Budo à mains nues
japonais y voient une des principales sources de leur pratique.
Il nous semble indispensable de situer la place qu’occupe cette discipline au sein des arts martiaux chinois et d’en présenter un bref aperçu historique, ce qui répondra à la
question : qu’est-ce que le Shuai-Jiao?
Traditionnellement, les arts de combat chinois (regroupés sous l’appellation générique de Wushu) comprenant quatre types de techniques : « da, ti, na, shuai » c’est à
dire la boxe (en fait toutes les techniques de mains), la savate, les saisies et enfin, les projections.
Les techniques de poing et de pied forment ce que nous appelons en Occident le Kung-Fu. Le Shuai-Jiao regroupant quant à lui les principes « na » et « shuai »
(saisir et projeter).
En fait ces deux disciplines sont complémentaires comme l’exprime un ancien dicton : « à longue distance on frappe, à courte distance on projette »(yuan da jin
shuai). Il s’agit d’une stratégie du combat qui consiste à « casser la distance » pour vaincre grâce à des techniques de corps à corps.
C’est pourquoi les maîtres de Kung-Fu sont souvent également expert en Shuai-Jiao et nombreux sont les « taolu » (katas) de Kung-Fu dont certains mouvements, à la
signification parfois obscure pour les pratiquants actuels, correspondent à des projections.
Par ailleurs, la pratique du Shuai-Jiao est en rapport avec celle du Tai-Ji-Quan avec une commune utilisation des principes de souplesse et de circularité des techniques.
L’histoire du Shuai-Jiao est très ancienne, la tradition faisant remonter son origine à l’époque légendaire de l’Empereur Jaune. Selon les textes et les témoignages archéologiques,
le Shuai-Jiao se développait déjà avant notre ère. Ainsi sous la dynastie des Zhou (- 1122 à -221) le Shuai-Jiao servait à l’entraînement des armées, rôle qu’il allait garder tout au long de son
histoire.
Lors de la dynastie des Qin (-221 à -207) il devint un divertissement apprécié de l’aristocratie. Les premières compétitions eurent lieu au début de l’ère chrétienne. Celles-ci
prirent une ampleur extraordinaire à l’époque des Sui (581 à 868) où elles se déroulaient sur plus d’un mois et en présence de l’Empereur.
Les annales de l’époque rapportent que des mandarins, indignés par le faste de ces réunions qui détournaient le peuple de ses activités, en réclamèrent l’interdiction.
Mais bien des empereurs eux-mêmes se passionnèrent pour l’art de la lutte.
Le cas le plus fameux est celui de l’empereur Zhuangzong de la dynastie Tanq (618 à 907) qui joua et perdit une ville dans un combat contre Li Cunxian grand champion de
l’époque.
En arrivant à la période des Song (760 à 1278) des écrits sont consacrés au Shuai-Jiao avec notamment le « Jiaoli Ji » (Livre de la lutte) qui en présente l’histoire, les
théories et les techniques et qui est attribué à un certain Diao Luzi.
De nombreux ouvrages de l’époque le mentionnent tels que le fameux roman classique « Au bord de l’eau ».
Lors du règne de l’Empereur Wanli (1573) de la dynastie Ming, la grande encyclopédie « Wanbao quanshu » éditée sur ordre impérial lui consacrait une étude. Ce texte passa
au Japon où il influença probablement le développement du Ju Jitsu.
A la même époque un expert de Shuai-Jiao, Chen Yuen Lu, se rendit dans ce pays et enseigna son art à trois disciples qui par la suite fondèrent chacun leur propre école de Ju Jitsu
dont le Kito-ryu, une des sources du Judo moderne.
Notons encore que le créateur de l’école Yoshin-ryu était un médecin japonais qui avait acquis son savoir…en Chine.
Ces influences chinoises sur la formation des arts martiaux japonais sont d’ailleurs un fait commun de nombreux pratiquants et historiens, et la conséquence du rayonnement culturel
de l’Empire du Milieu à cette époque.
Avec la dynastie des Quing (1644-1911) le Shuai-Jiao devait se structurer en écoles dont la plus fameuse fut « Shangpuying » école rattachée à la cour impériale qui
comptait trois cents athlètes se consacrant entièrement à cet art et affrontant régulièrement d’autres équipes de lutteurs, parfois venues de Mongolie.
De nos jours, le Shuai-Jiao est devenu une discipline sportive importante tant en République populaire Chinoise qu’à Taiwan.
Il commence à se développer aux Etats-Unis, au Canada, et plus récemment en France et en Espagne grâce au travail de maître Yuan Zumou.
- Une très grande richesse technique.
Avec une tradition riche de plusieurs millénaires, le Shaui-Jiao possède des techniques très élaborées dont l’exécution repose sur l’habileté et la vitesse, et non
pas sur l’emploi de la force brute
- Un sport efficace.
Discipline pratiquée autrefois par les militaires et très liée au Kung-Fu, le Shuai-Jiao possède également les notions de combat à longue distance et en corps à corps (shoubo).
Ici, et bien que certaines techniques dangereuses soient interdites en compétition, le sport reste inséparable de la self-défense et la plupart des techniques applicables en combat de type
« Kung-Fu ».
- Une technique esthétique.
Spectacle apprécié des empereurs, le combat de Shuai-Jiao digne de ce nom doit être basé sur l’emploi de la souplesse et présenter un haut niveau technique.
Ainsi en sont jugées non seulement l’efficacité mais également la valeur de la prestation technique.